De jour comme de nuit, Osaka n’envie rien à Tokyo et cultive son propre style de vie. La métropole portuaire accueille d’ailleurs le premier restaurant Louis Vuitton au monde. Dérive dans une cité bouillonnante.

Des crabes géants et des bœufs aux yeux électriques – proximité de Kobé oblige – s’agitent sur les façades dans une improbable symphonie de voix synthétiques, d’écrans, de parfums de boulettes de poulpes et d’okonomiyaki, la crêpe locale. Les affiches des boy’s bands y voisinent avec des chats démesurés et un athlète colossal, égérie depuis 1935 du confiseur Glico.

Bienvenue à Dôtonbori, le quartier le plus photographié d’Osaka. La troisième ville du Japon à la hype frémissante accueillera l’exposition internationale en 2025.

On la dit plus détendue que sa grande sœur Tokyo, moins snob que sa voisine Kyoto, l’ancienne capitale impériale. Osaka est leur pendant portuaire, commerçant, industrieux, ouvert sur le monde. Les canaux qui la parcourent en font une drôle de Venise à dimension nippone où circulaient tous les produits de la région du Kansaï.

Sur la route qui mène de l’aéroport international, la succession d’usines, raffineries, entrepôts, entrelacs de tubes comme autant de veines géantes continue d’irriguer la richesse du coin dans un décor à la Blade Runner.

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Les habitants y sont, paraît-il, un brin plus cagoles et plus taquins, et y parlent encore un peu un dialecte du cru. On vit bien à Osaka : en 2019, la cité natale de l’architecte Tadao Andô se classait quatrième place au palmarès The Economist des villes les plus agréables du monde, derrière Vienne, Melbourne et Sydney (on lui souhaite le meilleur pour 2020).

Et si les loyers, plus doux qu’ailleurs, y autorisent des dingueries de boutiques vintage dans les quartiers de Shinsaibashi et Nakazakicho (quitte à les chercher dans les sous-sols d’une voie ferrée), les enseignes de luxe du boulevard Midôsuji laissent entendre que, question bonne fortune, Osaka n’a rien à envier à personne.

On ne s’étonne donc pas que Louis Vuitton, avec qui les Japonais entretiennent une relation passionnelle depuis son installation dans l’archipel en 1978, vienne d’y ouvrir sa plus grande « maison » – en langue Vuitton, une maison, c’est plus qu’une boutique, davantage qu’un magasin : un lieu de vie, de rencontres, d’échanges... Ici, pas moins de six étages dans un spectaculaire bâtiment co-signé par les architectes Peter Marino et Jun Aoki, à la façade de navire recouverte de voiles de verres.

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Tous les univers de la maison – maroquinerie, voyage, mode homme et femme, horlogerie, objets nomades, beaux livres... – figurent en bonne place dans ce vaisseau inspiré par la jonque traditionnelle japonaise (l’intérieur, avec son mobilier signé Charlotte Perriand et George Nakashima, ressemble plus à un yacht de luxe – même les ascenseurs s’excusent « de vous avoir fait attendre »).

Mais la maison est surtout le nouveau hot spot où dîner : Louis Vuitton vient d’y ouvrir son premier restaurant, confié au chef Yosuke Suga, longtemps bras droit du chef le plus étoilé du monde, Joël Robuchon (1945-2018). Vedette à Tokyo où son établissement fait le plein des mois à l’avance, lui-même n’a pas de macaron mais trône en tête de La Liste avec le respectable score de 99,5 sur 100. Le voici aux commandes des vingt-quatre couverts de V Sugalabo. Dans un décor évoquant Vingt Mille Lieues sous les mers, il y propose, le soir uniquement, un menu unique fait à partir de produits japonais.

Quinze cuisiniers s’affairent pour faire se rencontrer légumes d’ici et techniques d’ailleurs – le bras droit de Suga a tenu un restaurant du côté de... Chablis.

Spécificité : pas de réservation possible pour le quidam.

Le numéro de téléphone de l’établissement, planqué derrière un mur de malles et valises (monogrammées) amovible, se susurre de bouche à oreille.

La carte des vins y est excellente – ils se dégustent également au Café V adjacent et sa terrasse ouverte aux vents de la mode, avec une salade niçoise aux pommes de terre locales ou une terrine de porc noir de Kagoshima. Derrière, le dédale des ruelles de Namba attend les dîneurs satisfaits.

Osaka travaille et écumer les échoppes, micro-bars, clubs inattendus y est aussi un travail à part entière.

Il sera toujours temps d’aller reprendre ses esprits dans le jardin paysager du château ou à Spa World, où les reconstitutions de thermes romains et de la grotte bleue de Capri voisinent avec un sauna finlandais et des onsen japonais.

La ville ne dormant pas, il est possible d’y barboter quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Une fois rasséréné, il sera l’heure de flâner à pied ou à vélo.

Et, entre une boulette de poulpe et une virée dans une boutique de disques planquée dans Nishinbashi, de découvrir les perles cachées d’Osaka : son très beau musée de la céramique orientale, ou encore la bibliothèque du musée Shiba Ryotaro, construite par Tadao Andô en hommage à son ami et écrivain du même monde.

C’est, dit-on, l’une des plus belles aux mondes. Question beauté méditative, Osaka la tumultueuse n’a rien non plus à prouver.

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Y DÎNER

Sugalabo par Louis Vuitton : Café V et V Sugalabo, Louis Vuitton Maison Osaka Midosuji, 2-8-16 Shinsaibashisuji Cho-ku. Taiko-en, un restaurant traditionnel installé dans l’ancienne demeure du baron Fujita Denzaburo.

9-10 Amijimachô, Miyakojima-ku. www.taiko-en.com Y DORMIR Hôtel Conrad Osaka. Perché au quarantième étage d’un immeuble avec une vue à couper le souffle sur la ville et un spa primé. 3 Chome-2-4 Nakanoshima, Kita-ku. www.conradosaka.jp À FAIRE Dans le quartier de Dôtonbori, les aficionados de cuisine ne rateront pas la rue commerçante, Sennichimae Doguyasuji, avant de découvrir la maison de thé du parc du château d’Osaka, construit par un seigneur de la guerre du xvie siècle. Les geeks ont longtemps fréquenté le quartier de l’électronique Den den town : en mars s’y tient le Nipponbashi Street Festa dédié à la culture otaku. On pourra aussi visiter le musée de la céramique orientale. 1 Chome-1-26 Nakanoshima, Kita-ku. www.moco.or.jp SUR LES PAS DE TADAO ANDÔ L’architecte a signé la maison Azuma à Sumiyoshi, le Wall of Hope au pied de l’Umeda Sky Building (ne pas rater l’observatoire), l’étonnant Sayamaike Museum sur les rapports entre l’homme et l’eau (2 Chome Ikejirinaka, Osakasayama) et le Shiba Ryotaro Memorial Museum (3 Chome-11-18 Shimokosaka, Higashiosaka, www.shibazaidan.or.jp). Quant à la fameuse Église de la lumière, elle se situe à Ibaraki, à 25 km de la ville. SORTIR Le quartier de Namba regorge d’izakayas – le bistrot local, de la taille d’un mouchoir de poche. Misono, un ex-centre commercial des années 1960 y attire une foule undergroud.

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